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116ème Assemblée plénière de la Conférence des Evêques Catholiques de Côte d’Ivoire

Yamoussoukro, du 27 au 31 juillet 2020.

Homélie de la messe de clôture (jeudi 30 juillet, jeudi de 17ème semaine du temps ordinaire A)

 

 

« Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ».

« La paix soit avec vous ».

 

Excellences, Chers frères dans l’épiscopat,

Autorités politiques, civiles, militaires et coutumières,

Révérends Pères, révérendes sœurs, bien-aimés frères et sœurs en Christ,

 

Avec vous, je bénis le Seigneur notre Dieu qui nous permet de nous rassembler ce soir dans cette Cathédrale Saint Augustin de Yamoussoukro, au terme des travaux de la troisième session annuelle de notre assemblée plénière.

 

Nous sommes rassemblés pour la prière et la fraction du pain. Nous sommes rassemblés pour rendre grâce à Dieu dont le soutien ne nous a pas fait défaut malgré tous les bouleversements et les changements intervenus dans nos habitudes de vie à cause de la crise sanitaire mondiale du Coronavirus. Même si être privés des célébrations communautaires de l’Eucharistie et des autres sacrements pendant cinq mois a été très pénible et continue de l’être, nous faisons de notre mieux pour protéger la santé des fidèles. Il était nécessaire que nous soyons solidaires dans le malheur ; nous l’avons été et nous le serons encore.

 

Alors que les lampions s’éteignent sur les travaux de la 116ème Assemblée plénière de notre conférence épiscopale, dans ce contexte particulier de crise sanitaire, nos regards se tournent vers vous nos compatriotes bien-aimés, pour vous redire, comme nous l’avons ensemble exprimé depuis le début avec toutes les conférences épiscopales d’Afrique et Madagascar, notre proximité spirituelle et notre prière fervente pour une fin rapide de « cette maladie qui ravage actuellement notre monde » (cf. Prière du SCEAM). L’Église en Côte d’voire prie pour toutes les victimes et pour les familles éplorées, pour les malades et tous ceux qui vivent dans l’angoisse de ce fléau, pour le personnel médical de notre pays qui ne ménage aucun effort pour sauver des vies. Notre seule force – au-delà de toutes les mesures barrières dont la nécessité, l’importance et l’urgence ne sont point négociables – notre seule force vient de la Parole de Dieu, remède espoir dans la détresse. C’est cette même Parole qui nous rassemble ce soir, en Église.

 

Dans la première lecture que nous avons entendue ce soir, un nouvel enseignement se dégage pour le prophète Jérémie dans la maison du potier. Le premier vase qu’il voit fabriquer est à l’image du peuple. Comme la ceinture du chapitre 13 du même livre de Jérémie, ce vase a été lui aussi, gâté et reconnu bon à rien. Oui, Israël et en réalité l’humanité tout entière se trouve ainsi représentée. L’artisan divin n’a rien pu faire du premier homme qu’il a formé de l’argile. Le péché a ruiné et corrompu toute la race humaine. Mais sur le tour du potier, voici que le travail reprend : un nouveau vase est façonné, comme il a plu aux yeux du potier de le faire. Ce vase sans défaut porte nos pensées sur le second Homme, le Christ Jésus en qui Dieu a trouvé son plaisir. Il est venu remplacer la race d’Adam défaillante. Mais il n’est plus seul dorénavant. « Si quelqu’un est en Christ, c’est une nouvelle création »(cf.2 Cor.5,17). Par la grâce de Dieu, le racheté peut devenir à son tour un vase d’honneur, sanctifié, utile au Maître, préparé pour toute bonne œuvre (cf. 2 Timothée 2, 21).

 

Excellences, Chers frères dans l’épiscopat,

Frères et sœurs bien-aimés,

 

A trois mois de la prochaine élection du président de la République, nous nous trouvons à la croisée des chemins. Nous traversons des zones de turbulences au plan politique, dont les répercussions pourraient mettre à mal la fraternité et la paix. C’est dans ce contexte que nous venons de publier une lettre pastorale annoncée depuis le 19 janvier 2020 à Korhogo et intitulée « L’Église en Côte d’Ivoire, au service de la réconciliation, de la justice et de la paix ».

 

Nous sommes conscients que notre mission est d’ordre religieux, et qu’il n’est ni d’ordre politique, ni d’ordre économique ou social. Mais justement de cette mission religieuse découlent une fonction, des lumières et des forces qui peuvent servir à constituer et à affermir la communauté des hommes selon la loi divine (cf. lettre pastorale n°3). C’est cela qui nous a fondé à écrire cette lettre pour partager avec vous le souci de la construction d’une société ivoirienne toujours plus fraternelle et ouverte à tous, respectueuse de la dignité et des droits de la personne humaine et préoccupée d’établir entre tous les habitants de ce pays, des liens d’amitié, de confiance et de respect mutuel (cf. Lettre pastorale n°3).

 

Nous souhaitons de tous nos vœux, que tous, petits et grands, jeunes et vieux, hommes et femmes, nous devenions ces vases d’honneur, préparés pour toute bonne œuvre. C’est une bonne nouvelle. Et l’Évangile de ce soir, qui est la Bonne Nouvelle, nous enseigne que recevoir la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu exige un choix et mérite que nous sacrifiions tout le reste. Grâce à la découverte du trésor, le dépouillement et le renoncement deviennent possibles.

 

On le voit tout de suite, bien sûr, les exigences que Jésus pose ici pour notre vie de baptisés : à l’entendre, il n’y a pas de demi-mesure. Cela veut dire que tout, désormais, dans nos vies, se juge à la lumière du Royaume de Dieu. Réintroduire dans nos pensées, dans nos jugements et nos comportements, une référence au Royaume de Dieu qui vient, est aujourd’hui une tâche essentielle de l’Église. 

 

La lettre pastorale que nous venons de publier n’est rien d’autre qu’une interpellation et une invitation à bâtir une société de paix et d’amour. C’est un véritable trésor qui exige de nous des renoncements : renoncements à la violence verbale et physique qui ne sont nullement une fatalité ni en période électorale ni dans nos rapports de tous les jours ; renoncements aux intérêts égoïstes pour accorder une importance particulière à l’intérêt général et au bien commun ; renoncements à la corruption sous toutes ses formes ; renoncements au cléricalisme et à la toute forme de dictature au sein des familles, des communautés religieuses, des services et des institutions nationales ; renoncements à la paresse et à la médiocrité au sein de la jeunesse de notre pays. C’est donc à tous les fils et à toutes filles de Côte d’Ivoire, les consacrés y compris, que nous adressons ce message d’espérance pour la consolidation de la justice et de la paix par la réconciliation.

 

L’Église ne pourra contribuer de façon crédible à la construction de la cohésion sociale que si ses pasteurs que nous sommes et les fidèles sont réconciliés entre eux. Notre lettre nous engage à bâtir des communautés justes, à grandir dans la vie de grâce, à donner le témoignage d’une sainteté personnelle et communautaire et de la bonne gouvernance.

 

C’est donc cette analyse sans complaisance de la situation sociale du pays que nous avons condensé dans cette lettre pastorale destinée au clergé, aux fidèles chrétiens et à tous ceux qui, d’un cœur sincère, recherchent la vérité et la paix pour notre beau pays.

 

Nous vous invitons tous à la lire et à la méditer en famille, dans les groupes de vie, à l’école et dans les associations. « Éduquer à la paix est une œuvre de longue haleine. La parole de Dieu nous rappelle qu’il faut dépasser la logique de la justice pour nous ouvrir à celle du pardon, car l’amour est vainqueur de tout mal. Il vaut mieux allumer la petite bougie de la paix que de maudire les ténèbres de la violence » (cf. Lettre pastorale, n°82). Ce n’est jamais l’usage de la violence qui conduit à la paix. Ce n’est pas la culture de l’affrontement, la culture du conflit qui construit le vivre-ensemble, la vie collective dans un peuple et entre les peuples, mais la culture de la rencontre, la culture du dialogue ; c’est la seule voie vers la paix (cf. ibidem) .

 

A la veille de l’élection du Président de la République de notre pays, nous nous faisons le devoir de rappeler à tous nos concitoyens que la guerre n’est pas une fatalité et que nous pouvons toujours conduire ce processus dans les règles de l’art, c’est-à-dire dans le respect de Loi fondamentale, dans la concertation et le consensus autour des procédures, dans le respect de la dignité de chacun.

 

Excellences,

Frères et sœurs bien-aimés,

 

Le psaume 145 qui fait partie de la liturgie de ce jour estime « heureux qui s’appuie sur le Dieu de Jacob, qui met son espoir dans le Seigneur son Dieu, lui qui a fait le ciel et la terre et la mer et tout ce qu’ils renferment » (versets 5 et 6).

En terminant, je nous invite à nous appuyer solidement sur Dieu, Maître des temps et de l’histoire, aussi bien en période de paix qu’en période de détresse ou de crise; que nous puissions trouver refuge en Lui, car il est entièrement digne de confiance. Autant il est capable de nous délivrer des fléaux, autant il est capable de nous réconcilier avec Lui et avec nos frères. Il nous faut aussi, par la prière, créer dans les cœurs des hommes, la force de l’engagement pour la réconciliation et la paix.

 

Malgré des erreurs de parcours, la Côte d’Ivoire dispose d’immenses potentialités et possibilités spirituelles, humaines, matérielles, économiques et énergétiques pour construire un avenir meilleur pour ses fils et ses filles. Nous croyons que les hommes sont faits pour vivre ensemble, dans le dépassement, dans le renoncement, dans le don de soi. La paix est à  construire chaque jour de notre vie ; nous en sommes capables.

 

Que par l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie, Notre Dame de la Paix, par l’intercession de Saint Pierre Chrysologue dont nous faisons mémoire en ce jour, Dieu nous accorde la guérison, la paix et la joie de vivre ensemble. Amen.

Yamoussoukro, jeudi 30 juillet 2020.

Mgr Jean-Jacques Koffi Oi KOFFI,

Évêque de San Pedro,

Vice-président de la Conférence des Evêques Catholiques de Côte d’Ivoire.